D'après le très beau livre-cd de Thierry Robin et Véronique Guillien "Gulabi Sapera, danseuse gitane du Rajasthan" édition naive, actes sud, nov 2000
Gulabi Sapera fait partie de la caste des "kalbeliyas", qui charment les serpents et en soignent les morsures.
Son père lui-même charme les serpents dans les rues avec son pungi (instrument à vent, croisement du hautbois et de la cornemuse.).
Elle l'accompagne dès son plus jeune âge, et apprend à danser en regardant les ondulations du serpent.
Mais il n'est pas coutume de danser avec le serpent et son frère s'y oppose, tout comme les autres membres de la communauté. En effet, les femmes n'avaient le droit de danser uniquement pendant les 15 jours de fête de Holi (fête du printemps et du nouvel an, en l'honneur à Krishna).
A 3 ans, elle cesse (temporairement) de danser avec son père. La famille avait été menacée d'être bannie.
Elle danse seule, dans les champs, lorsqu'elle accompagne ses frères pour faire paître les bêtes.
Elle est ensuite éduquée pour faire la cuisine, coudre, repriser, broder, faire les colliers...
La famille est nomade et les enfants ne vont pas à l'école.
Alors qu'elle a 10 ans, son père tombe malade et ne peut plus subvenir aux besoins de la famille.
Gulabi part avec son frère et son oncle musiciens, danser même en dehors des fêtes.
cela n'est pas du goût des cinq sages qui condamnent Gulabi de ne pas respecter les règles de la communauté. Bannie, battue, elle est obligée de s'arrêter de danser.
Mais la famille n'a plus de ressources et gulabi se voit contrainte de faire les poubelles et trier les déchets pour gagner de quoi manger. cela n'est pas plus toléré : bien qu'intouchable, ce travail est réservé à une autre caste. Elle est à nouveau battue et sa famille à nouveau bannie...
Elle travaille sur les chantiers et porte des briques, puis fit le taxi, chose encore interdite aux femmes.
Elle décide alors, envers et contre tous de reprendre la danse. Evidemment, là encore, re-battue, re-bannie...
Le père, âgé, malade implore les chefs de la caste "je vous en prie, allez regarder ma fille danser, elle le fait sans vulgarité"
Bien que divisés, ils finissent par l'autoriser à danser dans la rue, accompagnée de 4 musiciens. Lors de la foire de Pushkar, elle est remarquée par Tripti Pandey, du ministère du tourisme.
A 13 ans, elle danse dans les plus grandes villes de l'Inde.
On lui propose une "tournée" aux Etats-Unis. Ce fut une nouvelle épreuve pour elle, qui dut subir de la part de son frère jaloux (sa femme n'avait pas été sélectionnée), une intoxication au sindur. (ce que les femmes mariées mettent dans la raie de leurs cheveux) Cela lui brisa la voix. Elle parvient à partir, dans un état physique et mental abominable- son père vient de mourir. Elle danse devant Rajiv Gandhi et son épouse Sonia.
La presse américaine ne cesse de vanter Gulabi, ce qui rend la communauté de Gulabi très fière.
A son retour tout le monde l'accueille avec beaucoup d'admiration, enfin.
Aujourd'hui Gulabi Sapera est une artiste reconnue en Inde et dans le monde entier. Elle vit à Jaîpur où ses enfants sont scolarisés.
Elle danse et chante avec Titi Robin.
J'admire cette femme qui a su se battre et réussir dans un pays où le droit des pauvres et des femmes est souvent inexistant. Si sa vie est un miracle, elle est surtout une grande leçon de courage.