pipacs Admin
Nombre de messages : 1565 Date d'inscription : 20/09/2005
| Sujet: Pour les enfants de l'après-Tchernobyl 17.09.07 17:43 | |
| " J'erre longtemps dans les couloirs. Le sommeil s'est toujours dérobé sous moi. Je ne m'éteins que trois ou quatre heures par nuit. Maman a toujours dit que j'étais une enfant difficile. Je ne lui laissais pas de répit. Je veille. Ma sœur est partie. Il n'y a plus grand monde chez moi. Je pense que je ne manque à personne. Bien sûr, maman voudrait que je vienne la voir plus souvent. Elle ne comprend pas que, vivant à quelques mètres d'elle, je ne la visite pas. Mais je sais aussi que c'est un soulagement. Avoir des enfants coûte de l'argent. Ma famille n'est pas fortunée. A la maison, je n'ai jamais servi à rien. Je pleurais. J'avais faim. Jamais sommeil. J'ai grandi, appris, quitté l'école. Mais je n'ai jamais été indispensable à mes parents. Sinon, ils viendraient me visiter. Ils ne me laisseraient pas ici, au pavillon des enfants cassés. Je ne vivrais pas à l'hôpital. Je ne sais pas qui abandonne qui. J'hésite. "
Les inattendus , Eva Kristina Mindszenti Son premier roman d'une effrayante et dérangeante simplicité est paru en janvier 2007 Eva Kristina Mindszenti est née en 1974 d'un père hongrois et d'une mère norvégienne, dans une famille d'artistes-peintres. Encre de chiniste et photographe, elle vit et dessine à Toulouse.
Les Inattendus est son premier roman.
"C’est le roman d’une femme, Eva Kristina Mindszenti, qui nous écrit d’un village de Hongrie, Hoferer, tout près de la frontière slovaque. Seule, ayant pour tout horizon le verger de ses parents, elle se résout à travailler à l’hôpital où demeurent les enfants handicapés, estropiés, mutilés par les suites de Tchernobyl. Elle les aime très vite, ces enfants qui n’auront même pas le temps d’être malheureux, qui meurent à dix ans, ces enfants qui pleurent, parfois, parce qu’on ne leur rend plus visite. Elle les aime, car elle sait que ce sont eux qui vont la soigner, la soulager. Mais nous ne sommes jamais dans un « Freaks » hongrois, nous ne sommes jamais dans la pitié. Ce qui rend ce texte si bouleversant et singulier, c’est son calme rude ; la tranquillité à peine étonnée avec laquelle l’auteur entre en empathie avec tous ces petits malades, jusqu’à vouloir leur ressembler. Jamais on n’avait exprimé avec autant de justesse, l’ennui politique, l’oubli du plaisir, avec pour seule musique les génériques des dessins animés soviétiques qui continue à passer à la télévision. Jamais on n’avait exprimé avec une telle dignité triste, le sentiment d’infériorité et de déréliction des ex-républiques soviétiques, auxquelles on persiste à envoyer, comme à des Afriques oubliées derrière l’ancien rideau de fer, des médicaments périmés. La romancière ne connaît qu’une douceur : la sensation d’avoir le « cœur capable » d’aimer, et d’écrire." présentation de l'éditeur
Le titre de ce petit livre indique bien la distance que l'auteur prend avec son terrible sujet : ces Inattendus sont les enfants nés après Tchernobyl, avec des malformations qui les condamnent à vivre cachés, en marge de la société(...) Suite de l'article dans "le monde des livres"
Des phrases très courtes. Sobres. Ecriture de la vie ratée. D’un sans espoir. C’est comme ça. Un bel article iciLes premières ligne du livre:
En Hongrie, vous vivrez toujours auprès d'une frontière. Le pays le veut ainsi. Il y a la frontière, puis un fleuve, une grande plaine et l'autre frontière. Nous n'avons pas choisi. En 1919, les trois quarts de nos territoires furent confisqués. Depuis, nous sommes tous frontaliers. Derrière ma fenêtre, la Slovaquie s'étire. L'Ipoly s'écoule, mince. Sa vase est profonde. Ses berges sont brûlées. L'Ipoly est la frontière. Large d'un homme allongé. À sa gauche, à sa droite, deux églises. En tout point, identiques. Nos sermons sont en hongrois. Les leurs, en langue slave. Nous sommes heureux, ici. Notre communauté minuscule ne connaît ni cohue, ni progrès, ni l'avidité. Le futur se noie dans Plpoly. Nous vivons heureux, ici. Nos maisons peintes cachent des cours arborées. Nous n'aimons pas montrer nos richesses. Les nôtres sont végétales. Dans l'unique rue du village, des pruniers rythment nos pas. Nous avons une poste. Nous avons une épicerie. Nous avons un bus. Le bus mène à une gare, où patientent des trains pour Budapest. À Budapest patientent des trains pour n'importe où dans le Monde. De ce fait, nous ne sommes pas si isolés que cela. Ce n'est qu'un sentiment, exalté, peut-être, par la succession des champs de blé jusqu'à vision morte.Eva Kristina Mindszenti est également illustratrice et auteur d'ouvrages pour la jeunesse, | |
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