Depuis quelques semaines, les commémorations du soixantième anniversaire de la libération des camps d’Auschwitz sont l’occasion d’un indispensable travail de mémoire sur un génocide qui aura marqué à tout jamais le XX-ème siècle. Nous pouvons constater en effet les conséquences dévastatrices, en particulier sur la jeunesse, de l’oubli mais aussi des négationnistes en tout genre. Ce travail de mémoire salutaire ne saurait toutefois pas occulter un autre aspect de ces moments dramatiques de l’histoire européenne qui concerne le génocide des Tziganes ou " Samudaripen " en langue romani. On est en droit de s’étonner de la place plus que discrète faite aujourd’hui, devant l’extermination de tout un peuple auquel les nazis ont appliqué la " solution finale ".
Les raisons de cette discrétion sont multiples : l’histoire même de ce peuple qui dans sa longue migration à travers l’Europe et le reste du monde a rencontré partout la peur, le mépris, l’exclusion et souvent la haine, dans les pays traversés. On peut mettre en avant la discrétion et la volonté de transparence dont s’entourent pour se protéger les Tziganes eux-mêmes ; on peut aussi rappeler que, si le régime nazi s’est appliqué, de manière systématique, à l’élimination des Roms Tziganes, les autres pays d’Europe n’avaient pas attendu cette phase finale pour participer à la chasse aux Roms Tziganes. On se référera pour plus de détails au remarquable ouvrage Claire AUZIAS, Samudaripen :le génocide des tziganes [1]. Dans le seul camp d’Auschwitz plus 23 000 Roms marqués du signe Z sont passés dans les chambres à gaz. Durant toute cette sombre période, on estime à 500 000 le nombre Roms exterminés dans l’ensemble des pays d’Europe.
Les nazis n’ont pas eu l’exclusivité des massacres des Tziganes
En France, en particulier le régime de Vichy, a, pour satisfaire l’envahisseur mais aussi une partie de l’opinion publique, regroupé dans des camps d’internement de sinistre mémoire, la plupart des familles tziganes. Dans ces camps, beaucoup sont morts de froid, de faim, d’absence de soins. Dans notre Région en particulier, il a fallu attendre 2001 pour que l’on découvre, à travers la remarquable exposition des archives départementales des Bouches-du-Rhône, que des milliers de Tziganes avaient été enfermés de 1942 à 1944 au camp de Saliers à quelques kilomètres d’Arles. Combien sont morts ? combien ont transité par le camp des Milles à Aix-en-Provence pour les destinations que l’on sait ? Autant de " trous de mémoire " et de silences qui nous interpellent aujourd’hui.
Des comportements individuels et collectifs intolérables.
Voilà en effet quelques années, qu’avec d’autres, nous dénonçons les multiples formes d’exclusion et de racisme dont sont l’objet ces familles, comme si aucune leçon n’avait été tirée d’un passé encore présent dans la mémoire de ces hommes et de ces femmes que nous côtoyons ; comme si notre mémoire collective devait être sélective ; comme si dans l’Europe qui se construit sous nos yeux il n’y avait pas de place pour " ces gens-là ".
Chaque jour nous sommes témoins inquiets de cet ostracisme collectif qui, sous prétexte d’assimilation, nie tout mode de vie distinct et trouve dans le peuple tzigane un bouc émissaire facile à dénoncer. Le refus par les maires d’appliquer les lois de la République en réalisant des aires d’accueil et l’absence, de réaction des autorités, est significative du rejet généralisé de ces familles. On a pu ainsi assister ces derniers mois à des actes odieux envers ceux que l’on nomme hypocritement " gens du voyage " : propos et tracts explicitement racistes appelant au meurtre, symboles nazis affichés à proximité des lieux de stationnement ; coups de feux contre les caravanes, utilisation des polices municipales pour faire déguerpir les familles, destructions d’abris de fortune et de caravanes en dehors de toutes décisions de justice, contrôles policiers multiples accompagnés de brimades et d’expulsions violentes, articles de presse trop souvent caricaturaux assimilant l’ensemble des familles à des groupes de malfaiteurs dangereux.
Plus récemment, dans la Région, des familles Roms originaires des pays de l’Est de l’Europe tentent de trouver ici un refuge contre les exactions dont elles sont l’objet dans leur pays d’origine. Les conditions souvent misérables dans lesquelles elles tentent de survivre ne font qu’accroître la défiance et le mépris dont elles sont l’objet.
Il faut agir sans délais
Ces constats dramatiques qui se multiplient ne semblent pas émouvoir les responsables politiques et la majorité de nos concitoyens. Nous avons pourtant acquis la conviction, à la lumière de l’histoire récente, qu’il convient sans délai de mettre un terme à de tels comportements qui font planer un doute sur les vibrantes déclarations des uns et des autres entendus ces derniers jours : " Plus jamais ça ! " certes mais sachons dénoncer et tuer dans l’œuf les comportements qui y conduisent.
source : http://www.ldh-toulon.net/article.php3?id_article=488