Des armes contre des cadeaux de Noël à Los Angeles
Selon le FBI, Compton se classe quatrième au palmarès des villes les plus violentes des États-Unis. Plus de 50 gangs se disputent le contrôle des rues, qui se vident quand le soleil tombe. Ici, les fenêtres des bungalows sont munies de grilles. La quincaillerie du coin vend du fil barbelé. Et Daniel Caparros ne dort jamais sans sa carabine sous son lit.
« Ça fait 19 ans que j'habite ici, et ça fait 19 ans que j'ai ma carabine, dit-il. Mais, ce matin, j'ai décidé que j'en avais assez. Je veux me débarrasser de mon arme. »
Comme des dizaines d'autres citoyens, samedi, M. Caparros est venu donner son arme aux policiers, qui ont monté un petit stand dans le stationnement d'un centre commercial. En échange, il a obtenu un certificat d'une valeur de 50 $, échangeable chez Toys'R'Us ou à Circuit City. Ce coup de pouce va l'aider à acheter des cadeaux de Noël pour ses deux enfants.
Compton est une ville dangereuse même selon les standards de Los Angeles, la ville voisine. Ici, le taux d'homicides est huit fois plus élevé que la moyenne nationale.
C'est à Compton qu'ont grandi les joueuses de tennis Venus et Serena Williams. Et c'est à Compton que leur grande sur a été froidement assassinée, il y a trois ans, lors d'une dispute avec des voisins.
L'an dernier, 72 personnes ont été tuées dans cette ville de 96 000 habitants, qui s'étend sur 26 km2, soit à peu près l'équivalent de l'arrondissement d'Ahuntsic, à Montréal.
Trop d'armes à feu sont en circulation à Compton, soutiennent les autorités. Durant la période des Fêtes, les policiers proposent donc un marché aux citoyens : donnez-nous votre arme, nous vous donnerons 50 $. La formule est 100 % anonyme. Les gens n'ont pas à donner leur nom et on ne leur pose aucune question. La seule condition : l'arme rendue doit être fonctionnelle.
À en juger par l'affluence dans le stationnement en ce samedi midi, le programme est un succès. Bien souvent, les gens qui viennent rendre une arme ne sortent même pas de leur voiture. L'opération prend quelques secondes à peine, un peu comme le service à l'auto d'une chaîne de restauration.
L'an dernier, la population a rapporté plus de 600 armes durant les trois fins de semaines de l'opération. Le programme coûte 35 000 $, qui proviennent de la municipalité de Compton.
Pas d'enquête, pas de questions
« Le plus grand défi pour nous est de faire comprendre aux gens que c'est un programme complètement anonyme, indique le sergent Dwayne Allen, de la police du comté de Los Angeles. Nous ne posons aucune question. Nous ne sommes pas là pour enquêter. Nous prenons les armes, point final. »
Pour M. Caparros, qui travaille comme homme à tout faire, c'est la possibilité de toucher 50 $ facilement qui l'a poussé à apporter son fusil. « Quand j'étais plus jeune, j'aimais les armes et j'en avais plusieurs. Maintenant, je suis passé à autre chose. Avec l'âge, on se rend compte que ce n'est pas vraiment important. Et c'est dangereux d'avoir cela à la maison avec de jeunes enfants. »
Certains des fusils rapportés sont très vieux ou en mauvais état. John, qui ne veut pas donner son nom de famille, dit que le sien date des années 50. « Il traînait dans mon garage, je ne savais pas quoi en faire. Aujourd'hui, je l'ai échangé pour 50 $! C'est une bonne affaire... »
Une fois en possession de la police, les armes sont fichées et leur numéro de série est entré dans un système informatique qui détermine si elles sont liées à des crimes. Les armes qui ne présentent aucun intérêt pour la justice sont ensuite détruites dans une fonderie locale. Le métal ainsi récolté est recyclé.
L'an dernier, deux des armes recueillies ont aidé les policiers à résoudre des vols survenus dans les environs, et une demi-douzaine d'autres avaient été déclarées volées.
Pour le sergent Allen, ce n'est « qu'une goutte dans l'océan, bien sûr ». Mais c'est un départ. « Si nous ne faisions pas cela, toutes ces armes seraient encore dans les maisons. Pour nous, chaque arme remise est une petite victoire. »