LA DIMENSION ROUMAINE DE LA FRANCOPHONIE
Bucarest, mars 2002
Depuis 1993, la Roumanie est " membre de plein droit " de la Francophonie, une vaste communauté mondiale incluant aujourd’hui plus de 500 millions d’habitants dans 54 Etats.
Ce statut lui a été octroyé uniquement pour TOUT ce que les Roumains ont bien voulu, su et pu faire – depuis a peu pres trois siecles ! – pour le développement de l’apprentissage et de l’usage du français. C’est ainsi que la Roumanie est devenue un "pays ou le français est langue d’enseignement privilégiée", a coté d’autres pays de l’Europe Centrale et Orientale (Moldavie, Albanie, Bulgarie, Macédoine et Pologne)…
Selon une évaluation faite par les services de l’Ambassade de France a Bucarest, " la Roumanie est le plus francophone de tous les pays parmi ceux dont le français n’est pas la langue officielle " et " plus d’un Roumain sur quatre parle la langue de Moliere et plus d’un sur deux la comprend ". En plus, il faut savoir que pour les Roumains, le français est – tres simplement et sincerement – une " langue de cœur " car, dans ce pays, personne n’a jamais été obligé de l’apprendre !
Les francophones roumains – qui sont eux aussi, en grande majorité, des francophiles convaincus – ont toujours été tres fiers de leur appartenance a la Francophonie mondiale. Mais ils attendent toujours que l’on dépasse le stade des déclarations occasionnées par la Semaine de la Francophonie et que l’on passe aux actes favorisant l’extension de l’usage du français en Roumanie. Entre autres, ils savent bien qu’au niveau de l’Union Européenne, le français est la deuxieme langue maternelle ou seconde la plus parlée, avec ses 71 millions de locuteurs (derriere l’allemand, 90 millions et avant l’anglais, 61 millions).
1. L’enseignement du français est en perte de vitesse en Roumanie : depuis l’année scolaire 1993/94 (coincidant, hélas, avec l’admission de la Roumanie au sein de la Francophonie !) le nombre d’éleves roumains étudiant le français – dans l’enseignement secondaire – a diminué de plus de 25%, et le nombre de professeurs roumains de français (dans l’enseignement secondaire) a diminué de plus de 10%.
Meme si – aujourd’hui, comme toujours en Roumanie – l’enseignement du français est encore prédominant, ces chiffres nous permettent de préfigurer qu’a terme, le français risque de se faire supplanter par l’anglais (la deuxieme langue d’intéret pour les jeunes Roumains).
Pour attirer les jeunes Roumains vers l’étude du français, il serait nécessaire (vues les difficultés orthographiques spécifiques) de… bien garnir les médiatheques écolieres de français en ordinateurs et autre matériel informatique adaptés a la langue française, selon l’exemple des médiatheques d’anglais et d’allemand (évidemment bien mieux soutenues de l’étranger !)…C’est a peine ensuite que les Roumains se lançant dans l’apprentissage du français auront le sentiment qu’il y a un intéret réel a parler la langue française ! Ensuite il serait nécessaire d’envoyer davantage de Roumains francophones se former en France et dans d’autres pays francophones, grâce aux programmes de bourses… De retour en Roumanie, ils deviendront les plus qualifiés " ambassadeurs sans titre " de ces pays !
Pour renouveler le corps professoral roumain de français (ainsi que, parfois, ses méthodes et outils pédagogiques), il y a aussi des modeles a suivre en Allemagne, en Grande Bretagne, aux Etats Unis, etc.…Beaucoup de nos professeurs de français n’ont jamais vécu quelques temps dans un pays francophone afin de pouvoir améliorer leur maîtrise du français… Former et recycler les professeurs roumains de français aurait du etre, depuis au moins une décennie, une priorité nationale des diplomates Francais de Bucarest …
2. Le " seul quotidien en français du Caire a Zürich " – le journal roumain BUCAREST MATIN – " se meurt dans l’indifférence de ses amis ". "Créé en 1995 et tirant toujours a 5000-6000 exemplaires, le journal survit aujourd’hui sans moyens, grâce a la synergie - impression, distribution, abonnement - développée par… deux autres publications " NINE O’CLOCK ", en anglais et " SETTE GIORNI ", en italien.(…) " BUCAREST-MATIN " se meurt…comme le français en Roumanie.
A petit feu. Mais il faudrait tres peu de choses pour le sauver. Un peu de publicité (..), l’envoi d’un jeune coopérant-journaliste chargé du bon usage du français, et l’aide réguliere de quelques professionnels amis de la Roumanie. A ce faible prix, la francophonie aurait toujours son irremplaçable vitrine dans un pays ou elle compte tant, et la défense de son influence ne se limiterait pas a des mots…qu’on n’imprimera peut-etre meme bientôt plus a Bucarest. " (Henri Gillet – Les Nouvelles de Roumanie, No. 10, Mars-Avril 2002).
Entre temps, BUCAREST MATIN est devenu BUCAREST HEBDO en attendant le pire (…ou le mieux ?)
3. La plus ancienne et importante organisation non-gouvernementale de Roumanie agissant pour promouvoir statutairement la Francophonie en Roumanie - LA LIGUE DE COOPERATION CULTURELLE ET SCIENTIFIQUE ROUMANIE- FRANCE, fondée en 1990, a Bucarest – n’a presque plus de "combattants" bénévoles, soient-ils francophones-étrangers ou francophones-roumains.
" Se battre " pour la francophonie en Roumanie, en absence de nos amis francophones et de… ressources financieres, ne peut plus se faire grâce a l’enthousiasme et aux cotisations de trop peu nombreux adhérents. Cette organisation se meurt, elle aussi, dans l’indifférence quasi-générale, de ceux et celles qui défendent la francophonie a travers le monde.
D’ailleurs, les ONG roumains travaillant pour développer la coopération culturelle et scientifique et l’amitié franco-roumaine ne sont meme pas mentionnées dans le Programme de coopération culturelle, scientifique, technique et institutionnelle entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la Roumanie, pour les années 2001-2004 !)
4. Le nombre réel des personnes parlant le français en Roumanie n’a jamais été établi avec une précision acceptable.
5. La promotion du français en Roumanie grâce au réseau culturel français en Roumanie (l’Institut Français de Bucarest, les trois Centres Culturels Français de Timisoara, Cluj et Iasi et les cinq Alliance Françaises de Brasov, Constanta, Craiova, Ploiesti et Pitesti) EST LARGEMENT INSUFFISANTE, car concernant uniquement les grandes agglomérations et laissant de côté les habitants des autres ville et surtout ceux des villages. Le réseau culturel français en Roumanie aurait du donc avoir intéret a travailler en réseau et a coopérer avec les pauvres, mais tres dynamiques ONG roumaines se proposant statutairement de promouvoir la langue, la culture et la science françaises en Roumanie…
6. La coopération des Roumains francophones avec les autres francophones, surtout du Nord et des pays africains francophones est presque nulle, meme s’il y a en Roumanie pas mal de compétences, d’expérience et de bonne-volonté. Par exemple, les hauts responsables de l’Agence Universitaire de la Francophonie ont recommandé aux universitaires et scientifiques roumains, hélas!, d’établir de pareilles relations uniquement avec ... les pays francophones de l’Europe Centrale et Orientale (en ignorant le fait que les Roumains et les Moldaves partagent la langue roumaine avant de partager la langue francaise!)!…
Il semblerait donc pertinent de former ENSEMBLE un VRAI et EFFICACE réseau de coopération linguistique, culturelle et scientifique impliquant simultanément les francophones riches et pauvres qui sont COMPETENTS et ANIMÉS PAR L’AMOUR POUR LA LANGUE FRANCAISE !!!
Pr. Nicolae DRAGULANESCU
Président de la LIGUE DE COOPERATION CULTURELLE ET SCIENTIFIQUE ROUMANIE- FRANCE (Bucarest)
article publié par VOX Latina www.voxlatina.com
Le jour de l'ouverture de la semaine de la francophonie en Roumanie et avant les manifestations de septembre prochain, et comme cet article date un peu, nos amis roumains pourraient ils nous dire si cette situation de perte de vitesse de la langue francaise dans leur pays perdure ou si elle a tendance à s'amenuiser.