Les derniers sherpas d'Europe
Sur le massif montagneux du Haut Tatra en Slovaquie, des porteurs ravitaillent encore à dos d’homme les refuges de montagne. Une fois par an, ces hommes et ces femmes organisent une compétition d’un genre particulier : le Rallye des Sherpas à
Stary Smokovec.
Le panorama des Hautes Tatras superbe et surprenant. De la large vallée du Vah bordée au sud par les Basses Tatras avec ses ballons vosgiens couverts de forêts , s'élèvent tout à coup au nord, les chaînes des Hautes Tatras. Comme un poing tendu, les pics proches de la ville de
Poprad se dressent vers le ciel pour atteindre jusqu’à 2655 mètres d’altitude.
Le massif n’est pas très étendu ( 26 km de long et 15 de large), on le qualifie parfois « d’ alpes de poche » Un des grands spécialiste de l’ Hymalaya, John Hunt dit que ces montagnes "sont les plus belles qu’ il n’ ait jamais vues", mélange d’ arrête rocheuses, de hauts sommets en pics, et de profondes vallées où l’ on trouve de très beaux lacs. C’est un massif dangereux où les accès sont difficiles et le climat capricieux. Il marque la frontière avec la pologne.
Stary Smokovec, est la première station thermale ( climato thérapie qui soigne les maladies respiratoires) puis de sports d'hiver des Hautes Tatras. Les bâtisses que l' on trouve ici donnent un caractère de vieille Europe centrale, comme si l'on avait pris une pincée de Vienne, Pressbourg (Bratislava) ou Budapest pour en saupoudrer les Tatras.
La paysage ici a été épargné par la piètre architecture de mauvais goût des dirigeants communistes , pas d’ immeuble hideux comme on en voit un peu partout en slovaquie.
A noter un joli hôtel art nouveau, « l’ hôtel grand », équipée d’ une petite salle de jeu pour les enfants, ( Ikea est là !
)- à portée de vue du petit salon-bar où papa et maman peuvent se détendre pénards pendant que riri fifi et loulous font les fous, d’ une piscine intérieure, sauna et tout ce qu’ il faut pour se remettre en forme. ( bon, c’est pas pour tous les week end non plus hein !
). Juste derrière, une jolie petite église en bois.
A noter encore le restaurant Rogalo, le « delta plane », tenu par Vladimir Prislupsky, enfant du pays. Il s’est évadé du pays en 1987 (période dite de normalisation)……accroché à son delta plane ! sans entraînement, pour atterrire de l’ autre côté de la frontière, en Allemagne. Une grosse moustache, un air sympa, une atmosphère conviviale, avec pianiste...
Toutes les stations balnéaires sont reliées par une micheline électrique. Un moyen sympa de découvrir le secteur, et propre !
Mais le paysage a souffert d’ une terrible tempête en 2004. C’est impressionnant de voir tous les arbres qui ont été abattus ! Un sentiment de « fin du monde »
Pour les amoureux de la montagne en hiver, et même si les arbres doivent maintenant repousser, il y a vraiment tout tout tout dans le secteur pour se faire plaisir : piste de ski alpin, ski de fond, randonnées, remontées, funiculaires….On peut même faire du saut à ski ! ( pas moi en tout cas !
)
Pour le point de vue exceptionnel : le
pic de Lomnica. Un remonte-pente conduit sur l'endroit le plus ardu des Tatras et une petite cabine de téléphérique suspendu (sans pilier) emmène une dizaine de visiteurs à la fois au sommet du pic, où est installée une station météorologique. Et là à 2 632 mètres, le panorama grandiose des Hautes Tatras s’ ouvre à vous, à l'ouest et au nord. Au sud, de l'autre côté de la vallée du Vah et de Poprad, les Basses Tatras dévoilent leurs formes arrondies….le paradis Slovaque !
Un ciel bleu et sans nuages à Stary Smokovec Il est presque midi lorsque Victor Beranek, 54 ans, prend place devant la gare centrale de Hrebienok et s’adresse aux personnes rassemblées devant lui : « Chers camarades ! ». Il fait une courte pause et poursuit « zut, excusez-moi, c’est le début d’un ancien discours », puis attend que les sourires des auditeurs se dissipent. Il accueille alors chaleureusement tous les participants et spectateurs du 21ème Rallye des Sherpas, la compétition annuelle des porteurs de montagne. Cette année, il s’agit de venir à bout des 800 mètres de dénivelés pour atteindre le refuge de Terry, situé à 2015 mètres d’altitude. Les premiers concurrents sont arrivés deux heures auparavant pour charger leur support en bois. Au choix, des bouteilles plastiques de limonade aux couleurs criardes ou des sacs de charbon sont ficelés sur leur support dont la hauteur ne dépasse pas 1,50 mètre. Le poids exact par porteur est contrôlé sur une balance : 60 kilos pour les hommes et 20 kg pour les femmes.( voyez le rapport…)
Cette compétition est désormais une tradition. Tout a commencé il y a 21 ans lorsque le Haut Tatras faisait partie de la Tchécoslovaquie et que le gouvernement central à Prague était encore communiste. Les hommes de la garde de montagne apportaient vivres et charbon aux refuges de montagne lors de leurs rondes régulières qu’ils effectuaient à pieds. Au sein de ce monde d’hommes, il n’était pas rare de comparer les temps réalisés et les poids emportés, autour d’une bière. Jusqu’à ce que Victor Beranek organise en 1985 la première course officielle des porteurs de montagne avec 8 hommes. « Nous voulions simplement savoir lequel d’entre-nous était le meilleur » explique-t-il. Aujourd’hui encore, le quadruple vainqueur du Rallye des Sherpas ne se contente pas du discours inaugural. A douze heures tapantes, lui et les 36 autres hommes et femmes engagés dans la compétition s’élancent dans la forêt à l’assaut des sommets.
Le Rallye des Sherpas est unique en Europe. Il n’y a que dans le Haut Tatra que l’on trouve encore des porteurs ravitaillant les refuges. Dans les Alpes et les autres massifs montagneux cela fait longtemps que les refuges situés loin des routes sont alimentés par hélicoptère. Or, les sherpas sont plus rapides et beaucoup moins chers( et c’est écologique ! ). Dans le Tatra, les porteurs reçoivent normalement environ 10 couronnes slovaques (à peu près 25 centimes d’euros) par kilo. Ainsi la course est une très bonne affaire pour le refuge à qui l’on livre gratuitement en une journée environ un quart de tonne de marchandise.
Une longue ascenssion dans un esprit olympique…Les cuisses en prennent pour leur grade ! Quelques pauses, quelques jurons et ça repart.
Là -haut sur la saillie rocheuse, les premiers spectateurs sont enfin visibles et quand le vent porte le vacarme de leurs cris et des crécelles vers l’aval, toutes les pensées négatives de la montée n’ont plus d’importance. Le but est proche maintenant et bientôt les douleurs disparaîtront. On contourne à pas rapide le dernier rocher et, au milieu des clameurs du public, un large sourire aux lèvres, on franchit enfin la ligne d’arrivée. Le chronomètre du juge arbitre indique la performance du monsieur : 1 heure et 55 minutes, il est 6ème. « Et maintenant une bonne bière », lance t-il, content malgré tout. Il laisse tomber sur le sol son lourd fardeau et disparaît dans le refuge de Terry.
Une demi-heure plus tard, Victor Beranek atteint l’arrivée et, une heure après que le dernier concurrent ait terminé la course, dirige la cérémonie de remise des prix. Il distribue attestations officielles, chopes de bière et médailles et au vainqueur une coupe en bois ornée d’un petit castor sherpa. « L’important n’est pourtant pas les prix ou les temps réalisés» glisse t-il. « La beauté de cette course c’est de nous retrouver une fois par an dans la montagne et nous amuser tous ensemble. »
Lorsque Malicky grimpe dans le téléphérique, direction Stary Smokovec en bas de la vallée, il jette un oeil au panneau d’information sur les chemins de randonnée. Pour le refuge de Terry, la pancarte indique, gravé dans le bois sombre, un temps de 2 h 45. Sans chargement de charbon, évidemment.avec l' aimable autorisation de l' auteur, un reportage photo de la course à laquelle il a participé. Il en garde dit il un grand souvenir...
http://www.laurentpaillier.net/Reportages/indexreportage.html
http://www.cafebabel.com/fr/article.asp?T=T&Id=5759
http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-3546,36-657125@51-657126,0.html