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 Rentrée littéraire:nouveau roman

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pipacs
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pipacs


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MessageSujet: Rentrée littéraire:nouveau roman   Rentrée littéraire:nouveau roman Empty09.09.08 10:33

Vu ce matin dans une émission littéraire:
Une autobiographie pleine de distance pudique.
Rentrée littéraire:nouveau roman 97828410

Les bains de Kiraly, c’est le premier roman de Jean Mattern. C’est aussi le cahier dans lequel Gabriel, le héros, choisi de se confier.

Depuis un an maintenant Gabriel s'est installé dans un petit meublé. Il occupe ses journées à déambuler dans les rues de Londres. Au hasard de ses promenades il découvre une synagogue qu’il commence à fréquenter. Gabriel a quitté sa femme, Laura, peu de temps après que celle-ci lui ai annoncé sa grossesse. Il ignore jusqu’au prénom de son fils et la honte le submerge.

« Mon fils doit savoir, d’une manière ou d’une autre » et il faut croire que le cahier lui est destiné.

Si Gabriel en est là, à ce point, c’est qu’il a une histoire. Une histoire lourde qu’il livre à mesure que les mots lui viennent. Il confie aux pages ce qu’il n’a pas su, n’a pas pu confier à Laura lorsqu’il en était encore temps. Par cet exercice d’écriture, de reformulation Gabriel tente de surmonter ce qui chez lui ne fonctionne pas.

Dieu a donné, Dieu a repris. Le leitmotiv traverse le livre, la seule grammaire - avec les silences - enseignée, inculquée par le père à la famille. Une grammaire indigente, bien insuffisante pour vivre.

Gabriel ne s'est jamais vraiment remis de la disparition brutale de sa sœur, ni du silence qui s’en est suivi et dans lequel se sont murés ses parents. La situation est d’autant plus compliquée que cette disparition résonne avec d’autres tragédies. Une chape de plomb recouvre l’histoire familiale. Gabriel est aussi en quête de ses origines.

Élève doué, à l’adolescence Gabriel trouve sa vocation dans l’étude des langues étrangères, l’anglais notamment. Ce qu’il ne peut formuler dans la langue maternelle, peut-être pourra-t-il le formuler dans une autre. Gabriel se jette ainsi à corps perdu dans son métier de traducteurs. Il se réfugie derrière des piles de dictionnaires en vain. Les mots pour exprimer ce qu’il ressent ne semblent pas exister. « Nulle part dans les dictionnaires je n’avais trouvé les mots dignes de ce chagrin. » (p70)

Léo a vécu un drame comparable. Devant son ami médusé, il trouve les mots pour dire ses émotions. Gabriel, lui, ne parvient pas à trouver l’issue. Malgré l’amitié indéfectible de Léo, malgré tout l’amour que lui porte Laura, rien n’y fait. Faute de connaître la grammaire, Gabriel ment par omission dans une fuite en avant et « nulle femme n’a jamais été trompée comme Laura. » (p 71)

Après bien des tâtonnements, c’est en Hongrie que Gabriel découvre le secret de ses origines. Mais il se désintéresse de la clé que son ami Janos lui révèle triomphant. Cette seconde escapade en Hongrie était surtout un prétexte pour échapper à Laura. Il est d’ailleurs symbolique que Gabriel ai été amené à visiter la Hongrie pour les besoins de la traduction du Docteur Faustus. Adrian Leverkünhn, le héros de Thomas Mann, vend son âme au Diable : « emmuré dans ce secret, l’amour lui est interdit… » (p 74)

Plus tard, dans la synagogue londonienne, Gabriel aura tout le loisir de considérer et de digérer les révélations concernant ses origines. « En silence et sans même remuer les lèvres, je récrivis une histoire dont toute ma famille avait voulu me priver, et j’en pleurais de rage. » (p 106)

Les bains de Kiraly est le roman de l’impuissance. De l’impuissance à s’affranchir du passé, de l’impuissance à trouver les mots, à poser des mots sur ce que nous ressentons de plus douloureux, de plus ancré en nous. De l’impuissance à formuler sa douleur, à la traduire en mots, à la partager, à l’abandonner au passé et à vivre enfin. « Le courage ne lui [son ami Léo] a jamais manqué pour trouver les mots là où ils s’arrêtent pour moi. Il m’a fait cadeau de sa douleur, et je comprends aujourd’hui que la peine et le chagrin peuvent être offerts à une personne aimée, comme le plus beau des cadeaux. » (p 81)

Un roman qui interroge la notion, l'idée de liberté au regard de la difficulté - voire de l’impossibilité - à se libérer du poids du passé malgré toute la force de la volonté. « Certains beaux esprits prétendent que la disparition est la forme la plus radicale de notre liberté. Ils ne savent pas de quoi ils parlent. Je suis prisonnier de mon absence. » (p 123)

Jean Mattern signe avec Les bains de Kiraly un beau premier roman. C’est un texte ambitieux et sincère dont l’un des mérites - et non des moindres - est de révéler l’importance fondamentale des mots et de la langue. Un texte court, dense, sensible et intelligent qui peut parler à chacun d’entre nous.

Les révélations à la fin du texte sont surprenantes. Le lecteur tombe des nues. Mais compte tenu de la situation, pouvait-il en être autrement ? Le texte s’ouvre et se termine par cette phrase : « Un pas devant de l’autre. » C’est dire, parfois, la difficulté à avancer.


Extraits :

« A-t-elle vraiment cru que les explications viendraient avec le temps ? A-t-elle pensée – comme tant de gens – que le temps arrangerait tout ? Une des croyances les mieux partagées et pourtant sans fondements : le temps ne résout rien. Il creuse, il aggrave, il accentue. De telle sorte que même lorsqu’il n’y a pas de secret honteux, pas de faute cachée et inavouable, la moindre faille devient un fossé béant – avec le temps, justement. » (p 83-84)

« Laura, elle, a fait comme si les mots n’avaient aucune importance. Elle m’a enveloppé de son rire, de sa chaleur, de sa chair. Comme pour me dire peu importe si cela fait mal, je suis là, bientôt tu ne te souviendras plus de la douleur, là où tu me disais tu vois, j’ai mal comme toi, mais j’avance. Pourquoi suis-je incapable de vous répondre, d’être là pour vous deux, l’ami et la femme aimée ? » (p 89)

« Mais grâce à des inconnus en prière, des inconnus ignorants tout de moi, une certitude qui avait pris racine en moi à l’âge de dix ans est morte : je ne suis plus sûr que les mots soient vraiment insuffisants. Je ne sais plus. Aucun dictionnaire ne vient à mon secours. Aucun modèle n’existe pour ce que je dois apprendre à dire à la femme que j’aime. Je n’ai appris qu’à traduire. Traduire, oui, mais quoi ? Mes sentiments, mes erreurs, mes fautes, ma peur ? Comment trouver ces mots nouveaux, des mots qui ne seraient pas seulement les vocables des autres ? Des mots utiles, et surtout : les miens. Je dois les apprivoiser pour aller au bout de ce chemin, reconquérir un à un ces mots interdits, et leur sens. Donner, reprendre. » (p 93)

« Mes parents n’avaient rien à faire de mes crises de nerfs. Ce n’était pas leur affaire.
Ma mère appliquait les préceptes de mon père à la ligne. Dieu à donné. Dieu à repris. Il fallait s’y résigner. Continuer. Telle était la loi. La vie l’emporte toujours. Elle avait encore deux enfants dont il fallait s’occuper, deux enfant qui lui restaient. Il ne fallait pas leur montrer ses larmes, sa faiblesse. Ils avaient droit à une enfance sans soucis, après tout.
Elle n’avait pas compris que mon enfance s’était brisée en même temps que le corps de Marianne, sur le bas-côté d’une route sinueuse de Champagne, ce soir d’octobre. De manière irrémédiable. Elle n’avait pas vu que je ne savais pas faire. La leçon de grammaire de mon père ne me suffisait pas.
Aujourd’hui encore, je ne sais pas être celui qui reste. » (p 121)

Source Arrow Ce blog littéraire

JEAN MATTERN est né en 1965 dans une famille originaire d'Europe centrale. Il vit à Paris avec sa femme et ses trois enfants et il travaille dans l'édition. Les Bains de Kiraly est son premier roman.Connu dans le milieu éditorial, il dirige la collection Du Monde Entier chez Gallimard.

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Référence aux bains Kiraly à Budapest( que j'ai fréquentés):
Ils font partie des rares monuments remontant à l’occupation turque. Le nom actuel vient de son propriétaire du 19e siècle. Au centre de la partie d’origine turque se trouve un hall surmonté d’une coupole qui comprend un bassin octogonal. Les eaux des bains sont de 39 ou 30 degrés, le bassin d’eau froide est à 26 degrés, des chambres d’air chaud et de vapeur sont à 60 et 70 degrés.

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