oui, espérons que cela ne se reproduise pas, mais on sait que l'Europe construit l'EPR en France et qu'il y a redire quant à la sécurité.
Les nombreux reportages consacrés aux 20 ans de Tchernobyl ont
clairement montré, malgré les tentatives de diversion des tenants de l'atome, que les conséquences de cette catastrophe étaient dramatiques et, pour des siècles encore, en constante aggravation.
La question se pose donc de façon d'autant plus cruciale : un "Tchernobyl français" est-il possible ? Hélas, de nombreux indices
laissent à penser qu'un tel désastre pourrait bien se produire. Certes, à la
différence des réacteurs RBMK (de type Tchernobyl), les réacteurs français sont recouverts d'une grosse cloche de béton, l'enceinte de confinement, censée empêcher un nuage radioactif de s'échapper. Mais divers scénarios peuvent amener, en situation accidentelle, à la rupture de cette enceinte, comme cela a d'ailleurs failli être le cas en 1979 aux USA, à la centrale de Three miles island.
Dangereux par nature, comme toute installation nucléaire, les
réacteurs français le sont de plus en plus car ils sont vieillissants.
Les plus anciens, ceux de Fessenheim (Haut-Rhin) et Bugey (Ain), approchent des 30 ans. Or EDF, sans même attendre l'accord de l'Autorité de sûreté nucléaire (qui n'a d'autorité que dans son nom), a d'ores et déjà décidé de porter à 40 ans la durée de vie de ses réacteurs.
Qui plus est, les dirigeants d'EDF ont mis en Suvre depuis
2002 un processus de restrictions budgétaires drastiques dans les centrales nucléaires. Le Réseau "Sortir du nucléaire" est entré en possession d'un document interne à EDF qui décrit les mesures mises en Suvre : annulation massive d'embauches pourtant prévues, économies sur les dépenses de logistique, frais généraux et maintenance. Mais aussi d'inquiétante consignes telles que "Le coefficient de disponibilité et le coefficient d'utilisation des centrales nucléaires doivent être les plus élevés possibles".
Autre problème majeur en France, contrairement à une idée reçue : le risque sismique. A nouveau, le Réseau "Sortir du nucléaire" s'est
procuré des documents internes à EDF qui montrent que ses chiffres
concernant ce risque sont très gravement contestés par l'Institut de
radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) qui dépend de l'Etat. Les documents montrent clairement qu'EDF se refuse pour des raisons purement financières à mettre en Suvre les mesures nécessaires, et a mis en place une action de lobbying pour contraindre l'Autorité de sûreté à écarter les travaux de l'IRSN. Extraits :
- « Il faut mobiliser stratégiquement au dessus des experts
pour lever la contrainte »
- « Une communication de haut niveau vers l'ASN est requise »
- « Des actions de lobbying ou contrefeu (autres experts) sont-elles possibles ? »
- « Il faut trouver une échappatoire à cette menace »
Précision utile : pour EDF, la "menace" est celle de devoir financer des
travaux. Le choix de la rentabilité au détriment de la sûreté est clairement
établi.
Pire : des informations complémentaires ont permis de montrer
que les ingénieurs d'EDF se sont "arrangés" avec les données sismiques
: en réduisant d'office "les intensités épicentrales de la plupart des
séismes de référence" ou en redessinant les zones sismiques afin d'éviter la prise en compte de certains séismes historiques. Tremblons& en espérant que la Terre ne s'y mettent pas aussi.
Par ailleurs, des erreurs graves de conception ont été commises à la
construction des centrales : lors de la tempête de décembre
1999, la centrale nucléaire du Blayais (Gironde) a été gravement inondée et a frôlé le pire : pourtant, les spécialistes d'EDF avaient assuré que les digues de la centrale ne pouvaient être surpassées. Un rapport parlementaire publié en avril 2000 précise : "Cette erreur de conception, la plate-forme sur laquelle a été remblayée la centrale n'a pas été érigée suffisamment haut, n'est pas propre à la centrale du Blayais. La plate-forme de l'îlot nucléaire est calée au-dessous de la cote majorée de sécurité (CMS) pour les sites de Belleville, Chinon,
Dampierre, Gravelines, le Blayais et Saint-Laurent; En outre les sites de
Fessenheim et de Tricastin sont implantés à proximité d'un canal dont la ligne d'eau est supérieure à la cote de leur plate-forme."[1].Et
pourtant, personne n'envisage d'arrêter ces centrales !
Autre risque grave, l'incendie et, là encore, EDF est gravement à découvert.
Ainsi, L'ASN a mené à Chinon une inspection "géante" du 7 au 11 mars 2005. Le compte-rendu[2], daté du 19 mai 2005, est explicite : "Cette
inspection de revue a été programmée par lASN à l'issue d'insuffisances
constatées lors de trois inspections sur le thème de l'incendie réalisées au
cours des douze derniers mois (!) Des efforts restent à fournir en terme de rigueur de gestion du risque incendie et d'identification des problèmes affectant le matériel (!) Comme sur la plupart des autres centrales nucléaires, les équipes locales d'intervention doivent améliorer leurs pratiques pour arriver au niveau d'exigence de l'Autorité de sûreté nucléaire, compte tenu des enjeux liés au risque incendie". Edifiant.
Ceci dit, et contrairement à ce que l'on pourrait croire, si un désastre
nucléaire se produit, les citoyens ordinaires en souffriront bien plus que
l'industrie de l'atome. Celle-ci s'est soigneusement préparée au pire et a fait évoluer ses méthodes : il ne s'agira plus de tenter de cacher
l'accident, mais d'en nier les véritables conséquences et d'imposer l'idée que, somme toute, les populations peuvent continuer à vivre tranquillement dans les zones contaminées. Pour arriver à de telles conclusions, le lobby nucléaire français,
appuyé par le lobby de l'agriculture productiviste, a organisé
la manipulation des données de la seule "expérience" réelle : Tchernobyl.
Ainsi, plusieurs programmes (Ethos, Core, Sage, Farming) sont mis en Suvre depuis plusieurs années pour cacher les véritables conséquences de la catastrophe du 26 avril 1986, et pour en faire de même en cas de drame atomique en France.
Par ailleurs, le gouvernement a signé le 8 septembre 2003 le décret n° 2003-865 [3], "portant création du comité interministériel aux crises
nucléaires ou radiologiques", qui donne des pouvoirs exceptionnels au
secrétaire général de la défense nationale, "en cas d'accident (&) ou d'attentat ou de menace d'attentat ayant ou pouvant avoir des conséquences nucléaires ou radiologiques". L'armée mettra hors d'état de "nuire" les citoyens qui voudraient informer la population de la réalité du danger !
Enfin, tout à été prévu pour assurer la protection des intérêts économiques, aux dépends de ceux des populations. Le 12 février 2004, les gouvernements des pays de l'OCDE ont révisé les Conventions de Paris et de Bruxelles sur les dédommagements en cas de catastrophe nucléaire[4]. Le montant des compensations a certes été substantiellement augmenté, mais ce sont les valeurs industrielles et patrimoniales qui seront protégées, dédommagées, remboursées. Et ce sera avec l'argent public, l'argent de tous les citoyens, y compris
de celles et ceux qui seront victimes, contaminés, irradiés. Début avril
2006, dans la plus grande discrétion, les parlementaires français ont ratifié ces textes !
En résumé, il est légitime de craindre un nouveau Tchernobyl quelque part dans le monde, et tout particulièrement en France. Les autorités et
les entreprises de l'atome semblent clairement s'y préparer : il est vrai
qu'elles sont les mieux placées pour le voir arriver. Mais tout n'est pas perdu : de part le monde, des millions de citoyens exigent qu'une chance soit laissée à la planète et aux générations futures. Il apparaît de plus en plus évident qu'il faut à la fois faire disparaître le nucléaire et lutter contre le réchauffement climatique. Des solutions existent : développer à grande
échelle les économies d'énergie - principalement dans les pays riches - et les énergies renouvelables, partout sur la planète. Utopique ? Au
contraire, c'est le seul choix réaliste, la seule voie d'avenir. Avant un nouveau Tchernobyl. Vite.
Stéphane Lhomme, Porte-parole du Réseau "Sortir du nucléaire"
Auteur de "L'insécurité nucléaire : bientôt un Tchernobyl en
France ?" (Avril
2006, Ed Yves Michel)
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[1]www.assemblee-nationale.fr/rap-oecst/r2331/r2331-1.asp
[2]www.asn.gouv.fr/Actualite/lds/maj/2005-21/INS_2005_EDFCHB004.pdf
[3]http://admi.net/jo/20030910/PRMX0306819D.html
[4]www.nea.fr/html/general/press/2004/2004-01f.html
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Désolée pour la lecture en zig-zag....