La gangrène de l’Europe
Ils participent déjà au pouvoir en Slovaquie et en Pologne. Ils ont failli remporter des municipalités importantes en pays flamand. En Autriche, ils vont obliger les grands partis à leur barrer la route en formant une coalition. En Hongrie, ils poussent les gens dans la rue pour renverser le gouvernement. En Bulgarie, comme en France ou en Allemagne, ils n’ont pas peur des outrances verbales, ouvertement racistes, ce qui ne nuit pas à leur popularité, au contraire !
Il est clair que les xénophobes de tout poil, ultranationalistes, néonazis ou simplement populistes démagogues, sont en passe de réussir leur percée, de l’Atlantique à l’Oural. Comme le dit l’intellectuel bulgare Ivan Krastev, l’Europe de l’Est est devenue “une petite France”. L’Allemagne, la Belgique, les pays scandinaves sont également touchés. Il y a donc quelque chose de vicié dans le royaume d’Europe.
Les exclure du jeu ? Débattre au contraire avec tous les extrémistes ? Faire alliance pour mieux les étouffer ? Toutes les stratégies ont été essayées, ici ou là, avec plus ou moins de succès. Jusqu’à présent, toutefois, aucune formation extrémiste ne s’est imposée lors d’élections nationales au point d’être appelée à prendre la tête d’un gouvernement, comme Hitler y réussit en 1933, alors qu’il n’avait recueilli que 33,1 % des voix aux législatives de 1932.
Mais il y a tout aussi grave : la contamination des idées extrémistes, qui essaiment d’un bout à l’autre de l’échiquier politique, ce que confirment toutes les analyses réunies pour notre dossier. Les partis traditionnels, plutôt que de s’interroger sur leurs méthodes et sur les façons de faire de la politique, préfèrent adopter quelques slogans démagogiques, sur l’immigration ou la sécurité. Les chefs d’Etat et les responsables européens, au lieu de s’entendre sur une Europe à venir et sur un calendrier, laissent les citoyens désemparés, c’est-à-dire sans prise sur leur quotidien. D’un pays à l’autre, on trouve toujours les mêmes ingrédients dans les cocktails extrémistes : la peur de l’avenir, la haine de l’autre, une méfiance à l’égard de la démocratie, la prétention d’échapper au système. Aux autres partis et aux citoyens en général de trouver les réponses, point par point, pour ne pas laisser se gangrener le Vieux Continent.
Philippe Thureau-Dangin